En raison de l’extraordinaire diversité des cabanes en pierre sèche, il est très difficile d’établir une typologie vraiment cohérente et satisfaisante. On peut néanmoins les classer en fonction de leurs formes, mais surtout, de leurs usages. La cabane est essentiellement l’abri et la remise du vigneron, du cultivateur, du bouvier, ou, plus rarement du berger, mais elle peut aussi être un poulailler, une dindonnière, voire un pigeonnier. Certaines abritent des puits ou des fours à pain. Mais, bien rares furent celles qui servirent de maisons d’habitation. Le matériau utilisé (toujours en relation avec la géologie du lieu), la situation du terrain, l’imagination et le savoir-faire plus ou moins grands des constructeurs, motivent essentiellement la forme et la durabilité de ces constructions.
. Selon leur forme et leur implantation, ces petits édifices sont appelés cabanes quand la construction est indépendante et guérites lorsqu’il s’agit d’une niche intégrée à un mur de clôture ou incluse dans un tas d’épierrement (un tas d’épierrement – ou cayrou – consiste à regrouper au même endroit le matériau d’épierrage d’une ou plusieurs parcelles).
Les formes de ces constructions traditionnelles sont diverses : rondes, carrées ou rectangulaires, aux toits souvent coniques, mais parfois pyramidales ou à deux pentes, les plus grandes ayant la forme d’une nef. Deux ou trois cabanes sont parfois accolées et peuvent même être communicantes. Une telle diversité morphologique s’explique non parce qu’il existerait des styles de pays différents, mais plutôt par la conjonction de causes multiples et complexes :
- La nature des matériaux pouvant provenir de couches géologiques très diverses.
- Des fonctions différentes : les formes des cabanes étaient bien souvent adaptées à l’usage que l’on voulait en faire.
- Degrés divers de savoir-faire : les cabanes en pierre sèche étaient construites par des individus très différents, plus ou moins compétents, plus ou moins spécialisés et plus ou moins habiles. Auto-constructeurs ou professionnels, bâtisseurs occasionnels ou spécialisés, ils pouvaient être vignerons, manouvriers-défricheurs, issartiers-éleveurs, bergers, chasseurs ou braconniers, cantonniers, ouvriers-bâtisseurs, puisatiers, carriers, et même compagnons-maçons (on connaît quelques chefs-d’œuvre ayant été ainsi édifiés pour être admis dans la corporation).
- La situation du terrain : certaines cabanes s’inscrivent dans la pente parfois très forte du terrain.
- Des périodes historiques distinctes.
- La conjonction de plusieurs de ces facteurs.
Les ouvertures sont réduites : souvent une seule porte de faible hauteur, surmontée d’un linteau en pierre, parfois en bois imputrescible, ce qui est souvent préférable à une épaisse dalle de pierre qui finit toujours par se briser en son milieu, provoquant des dommages souvent irréparables. Dans certains cas, l’entrée se fait par un arc clavé. Les jambages sont réalisés en gros blocs taillés. La porte s’ouvre à l’est, au sud, à l’ouest, rarement au nord. L’orientation dominante est fonction de la recherche du soleil au milieu de la matinée, quand, en été, la chaleur est encore agréable. Lorsque la porte est orientée au nord, c’est généralement parce que la cabane est destinée à protéger la monture des mouches (âne, mulet, cheval, et même, parfois, les bœufs destinés aux labours ou à la traction), en plein été. Il y a parfois des ouvertures servant de fenêtres, de formes diverses (carrées, rectangulaires ou trapézoïdales), et généralement petites et étroites (de larges ouvertures auraient fragilisé l’édifice). Parfois, un houteau (une ouverture plate ou triangulaire, fermée par une grille et insérée dans la toiture) permet d’aérer le foin ramassé humide.
Les bories respectent plus ou moins certaines proportions. Techniquement, la hauteur sous voûte équivaut en moyenne à 1,25 fois le diamètre intérieur. Ainsi, une borie avec un diamètre intérieur de 2,5 mètres aura une hauteur de 3,12 mètres. Mais, ce n’est pas une règle. Ce coefficient permet d’avoir une voûte harmonieuse. Mais, beaucoup de maçons ont bâti sans en tenir compte.
Les voûtements des cabanes en pierre sèche
Leurs couvertures de pierres se caractérisent le plus souvent par la présence d’une voûte à encorbellement, et parfois, par une voûte clavée. Ces voûtes sont le plus souvent terminées par une grande lauze. Concernant ces deux types de voûtes, voici les définitions que propose Wikipedia à l’entrée Cabane en pierre sèche :
La voûte de pierres encorbellées et inclinées vers l’extérieur
Cette voûte repose sur deux principes :
- Celui de l’encorbellement, qui consiste à disposer les pierres de chaque assise en surplomb par rapport à celles de l’assise inférieure,
- Celui de l’inclinaison, qui consiste à imprimer aux pierres de chaque assise un pendage de l’ordre de 15° vers l’extérieur, ce qui assure l’étanchéité à la pluie.
Sur plan de base circulaire, les assises successives vont en se rejoignant, la dernière étant coiffée d’une dalle terminale. Sur plan rectangulaire, elles sont coiffées d’un plafond de dalles. Le résultat est une voûte équilibrée n’ayant nécessité aucun cintre.
La voûte de pierres clavées
Moins courante, la voûte de pierres clavées à sec est une voûte clavée classique, en forme de coupole (sur plan de base circulaire) ou de berceau (sur plan de base rectangulaire), mais dont les éléments sont des plaquettes ou des moellons grossièrement ébauchés et appareillés, disposés sur un cintre provisoire. Une clé de voûte bloque l’ensemble.
Dans la confection d’une voûte clavée en berceau, intervient un cintre en bois que l’on pose sur des corbeaux ou sur une retraite ménagée à la naissance de la voûte et que l’on déplace transversalement sur le support pour réaliser d’autres longueurs. La voûte épouse alors la forme du cintre. À l’intrados de ce type de voûte, les joints des lits en coupe sont alignés et parallèles à la ligne de faîte.
Pour la confection d’une voûte clavée en coupole, un cintre hémisphérique en bois est nécessaire. Une fois la voûte terminée, le cintrage est démonté. À l’intrados de la voûte clavée en coupole, les joints des lits en coupe sont concentriques. (2)
En Périgord, on rencontre principalement des voûtes bâties sur le principe de l’encorbellement en tas de charge, chaque niveau débordant légèrement sur celui de dessous. Pour l’esthétique, il est préférable que les pierres soient plates et de la même épaisseur, de manière à former les assises circulaires en couronnes autobloquantes. Elles doivent être suffisamment grandes pour respecter l’effet de contrepoids nécessaire à la bonne tenue de la voûte. Pour obtenir la solidité idéale, le dépassement doit être de 1/3–2/3 : un tiers pour le porte-à-faux dans le vide, deux tiers pour le contrepoids nécessaire à la stabilité. Contrairement aux grangettes, les voûtes savamment construites des cabanes en pierre sèche sont réalisées sans étaiement ni support, ni charpente. Cet appareil « en tas de charge » ne doit pas provoquer de poussée latérale. Tout le poids de la construction s’exerce sur les murs de façon verticale.
L’encorbellement est un principe de construction qui permet de couvrir un espace sans l’aide d’une charpente. Chaque assise en pierre est posée en saillie de la précédente. Chaque pierre est un corbeau, l’ensemble est un encorbellement. Le principe de la construction en encorbellement permet de s’adapter à une grande diversité de plans et de formes.
Plus une voûte est haute, moins elle est vulnérable au basculement, puisque les encorbellements sont plus faibles. À l’inverse, les voûtes courtes ont des encorbellements plus grands et, de ce fait, l’ensemble est plus fragile.
Voici le principe de couverture en pierre sèche, tel qu’il est décrit dans le livret intitulé Patrimoine de pays en Périgord édité par le Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement :
Aucune charpente n’est nécessaire. Deux voûtes se superposent. Les pierres de chaque rangée de la voûte intérieure sont posées en encorbellement par rapport à celles du rang précédent, en veillant au respect des règles de stabilité. Ainsi, la voûte peut s’élever jusqu’au faîte. Une seconde voûte la protège, également toute en dalle de pierre. L’ensemble se termine par une large dalle circulaire ou carrée. La dégradation de cette face externe, surtout au nord, accélère la disparition des cabanes.
Voici une autre description de cette technique de l’encorbellement en tas de charge, rapportée par Jean-René Trochet dans son livre « Maisons paysannes et petit patrimoine » :
À partir d’une certaine hauteur, les couches de pierres successives sont placées en léger surplomb les unes par rapport aux autres à l’intérieur de l’édifice. Mais, pour que celui-ci conserve son équilibre, il était indispensable de compenser le surplomb, et les pierres de la voûte devaient peser davantage vers l’extérieur de l’édifice. On les inclinait aussi légèrement vers le bas, non seulement pour protéger le mur des infiltrations, mais également pour combattre les forces tendant à le déjeter d’un côté ou de l’autre. Comme l’on ne trouvait pas toujours les longues pierres plates qui auraient été les mieux adaptées à la construction, en suivant progressivement la hauteur de la voûte, celles dont on disposait devaient être associées et bloquées de façon à empêcher tout basculement. Dans les cabanes sur plan circulaire, « la paroi de pierres sèches encorbelées et inclinées extérieurement est sujette à un phénomène de contrebutement entre les plaquettes d’une même assise […] Ce phénomène entraîne la fermeture d’un polygone de forces : chaque assise est alors “auto-clavée” et tient toute seul ». Les édifices circulaires en pierre sèche sont plus nombreux en France que les édifices rectangulaires construits suivant la même technique. (3)
Les différentes formes de toitures
Très souvent, le maçon a revêtu la voûte conique ou pyramidale, d’un parement extérieur avec de petites lauzes biseautées ou douelles, formant l’extrados aux formes très variées. Sur murs circulaires, on rencontre des couvertures en forme de cône, dôme, cloche (campaniforme), pain de sucre, pagode. Sur mur carré ou rectangulaire, on a des couvertures en forme de pyramide, carène, pagode. À la longue, ce parement extérieur, presque toujours, se disloque et s’éboule. Il ne reste plus alors que la voûte en encorbellement. On attribue aux bangs d’avions supersoniques bon nombre d’ébranlements. Il semblerait que la cabane quadrangulaire à toit pyramidal résiste mieux que la circulaire à toit en cloche où la distorsion centrifuge est plus grande. (1)
Aménagements intérieurs et extérieurs
Majoritairement, les cabanes en pierre sèche ne sont dotées d’aucun aménagement intérieur, mais on trouve tout de même de très nombreuses exceptions. C’est ainsi qu’on peut admirer quelques bâtisses possédant des aménagements de confort, le plus souvent des banquettes destinées à accueillir quelques travailleurs ou une personne pouvant se coucher en chien de fusil. Certaines abritent également une cheminée, le plus souvent rudimentaire, qui, une fois allumée rendait l’atmosphère irrespirable. Par contre, beaucoup de cabanes possèdent des niches de rangement, aménagées dans les murs. Bien souvent, elles sont aussi équipées d’un anneau de pierre pour attacher une monture. Parfois, elles en ont deux : un intérieur et un extérieur, utilisé tour à tour en fonction du temps.
Après la destruction du phylloxéra, bon nombre de cabanes devenues inutiles sont abandonnées, mais certaines d’entre elles, sont reconverties en poulailler, pigeonnier ou bergerie. On a alors ajouté de petits équipements, en fonction de l’usage : des perchoirs, des niches aménagées à l’intérieur des murs, des trous d’envol… On prévoit parfois un étage sur poutres pour entreposer du foin ou de la paille ; on prévoit alors un houteau, une petite lucarne à façade triangulaire ou rectangulaire, assez discrète, aménagé sur le toit, destiné à aérer le foin ramassé humide et éviter sa fermentation.
Notes :
- (1) François Poujardieu, Les Cabanes en pierre sèche du Périgord, Éditions du Roc de Bourzac, 2002.
- (2) Wikipedia : Cabane en pierre sèche.
- (3) Textes de Jean-René Trochet, photographies de Dominique Repérant, « Maisons paysannes et petit patrimoine ».
Crédit Photos :
- Cabanes du Breuil in Saint-André-d’Allas, Dordogne, by Jebulon (Own work), via Wikimedia Commons.
- Cabanes du Breuil et basse cour, Saint-André-d’Allas, Dordogne, By Rilba (Own work), via Wikimedia Commons.
- Cabane en pierre sèche de Pech Lauzier à Vitrac, Dordogne, by Michel Chanaud (Own work), via Wikimedia Commons.
- Cabane en pierre sèche à Sireuil, commune des Eyzies-de-Tayac-Sireuil, Dordogne, France, by Dominique Robert Repérant (Own work), via Wikimedia Commons.
- Voûte en pierres sèches encorbellées et inclinées vers l’extérieur sur plan circulaire (cabane à Espagnac, Lot), By Christian Lassure (Own work), via Wikimedia Commons.
- Voûte clavée en berceau (bergerie à Redortiers (Alpes-de-Haute-Provence), By Christian Lassure (Own work), via Wikimedia Commons.
- À l’intérieur d’une des Cabanes du Breuil, vue de la voûte en encorbellement, composée de pierres plates calcaires, les lauzes, Saint André d’Allas, Dordogne, by Jebulon (Own work), via Wikimedia Commons.